Parfois, le hasard vous emmène sur des territoires où jamais vous n'auriez pensé un jour mettre les pieds. Case in point : i'm reading lesbian fiction.
Le mois dernier, j'ai découvert l'existence de la série Sunstone de Stjepan Sejic, ancien dessinateur de plein de witchbladeries qui s'est mis, un beau matin, à faire des strips sur DeviantArt à propos d'un couple de minettes S&M. Un genre de Fifty Shades lesbien, en autrement mieux troussé et dont je recommande franchement la lecture, en gros volumes chez Top Cow/Image. C'est à la fois très mignon et très... mignon.
Plus tard, en papotant avec un fellow écrivain amateur, je m'interrogeais sur l'existence d'un pulp LGBT. Je veux dire, je sais qu'il y a eu des pulps de romances érotiques, voire carrément porno, mais toujours hétéro, et une partie de moi doute franchement que l'Amérique des années 30 ait laissé passer le genre de choses que le web 2.0 yaoi/m-m/lesbo se permet.
Il s'avère que j'n'étais pas loin de la vérité et que, s'il existe bien un pulp same-sex pour filles, il date plutôt des années 60 et on y trouve même quelques noms ronflants comme Marion Zimmer Bradley.
Parfois, comme c'était l'époque, il a touché aux super-héros. Si. Pas les vrais, hein, des copies de copies pour pas trop se faire attaquer par les stars en reconstruction d'alors (on est au moment où naissent les Quatre Fantastiques, Spider-Man et les X-Men), mais des super-héros quand même.
Je gardais ça dans un coin de ma tête, pour ma culture personnelle (erm...), et oubliais, quand soudain, je tombais sur Wonder Woman - Earth One de Grant Morrison et Yanick Paquette, qui m'a laissé avec une et une seule question en tête : est-ce que le lesbianisme sur Themyscira avait jamais été abordée ?
C'est intéressant, parce que c'est quand même Wonder Woman. Certes, dans une histoire alternative non-canonique, mais dans un contexte super-héroïque où on a vu un paquet de personnages LGBT arriver ces dernières années, on n'avait encore jamais osé le faire avec un personnage phare. Et surtout, on en avait toujours fait un plot-point stupide (qui se souvient du grand moment de malaise que fut le mariage infâme de Vega dans les X-Men?). Là, c'est naturel sur une île à la population exclusivement féminine, et la question n'en est vérité jamais posée directement. C'est évident, tout le monde s'en rend compte, lecteurs comme personnages, mais à aucun moment ce détail particulier n'entre dans l'intrigue même. Il est en revanche essentiel pour la caractérisation des personnages (la société amazone est très... particulière).
Et c'est d'autant plus intrigant que si Morrison gère particulièrement bien la question lesbienne, il fait, d'une manière totalement incompréhensible, exactement l'inverse avec Steve Trevor, sur une question beaucoup plus vieille : Trevor est noir, et sa couleur de peau est bel et bien un plot-device. Et un mauvais qu'on voit venir à douze kilomètres, en plus. (Dans tout le développement de Diana par rapport aux amazones, il est question de peuple oppressé, de briser ses chaînes, de choix, de liberté... Vous le sentez arriver aussi, vous, le discours sur ses ancêtres esclaves ?)
Cette lecture, par ailleurs loin d'être aussi fameuse que le vend la critique, m'a également rappelé la question d'Angela chez Marvel, cette ancienne archange de la Spawn-family récupérée par la Maison des Idées et récemment bombardée reine des Enfers nordiques, avec au bras une aide de camp très câline.
Quand la question avait été posée à Axel Alonso, l'éditeur en chef de Mavel depuis 2011, il avait (sagement, à mon sens) choisi de ne pas en faire un argument à part entière et de se contenter d'un laconique "lisez l'histoire, toute l'histoire". Traduction : "ne lisez pas parce qu'elles sont lesbiennes, ce n'est pas ce qui les rend intéressantes."
Et, pour une raison que je ne m'explique pas (enfin, si, je sais, "l'Amérique"), le petit monde du web des comics était devenu fou, accusant Alonso de diminuer l'impact de cette particularité, de ne pas considérer les communautés LGBT, et ce genre d'absurdités de gens qui veulent être choqués.
J'ai tendance à penser qu'un personnage est intéressant dans son ensemble, que jamais, JAMAIS, sa couleur de peau ou son orientation sexuelle ne doit être utilisée comme un élément d'intrigue, mais plutôt comme un élément de caractérisation.
J'en reviens aux filles de Sunstone. Le sujet n'est jamais abordée qu'au travers d'une demi-remarque, une fois le fait accompli, et immédiatement acceptée. Elles sont deux filles, elles sont bien ensemble, et c'est marre. La question, quand elles sont en public, n'est même pas de savoir si elles sont un couple lesbien, mais de savoir si elles sont un couple. Point. Elles même ne sont pas très sures au début, mais la raison n'a rien à voir avec le sexe de leur partenaire. Leur identité sexuelle est clairement établie dans l'inconscient du lecteur, il n'y a pas d'interdit à braver (même celui du S&M est balayé)...
...Et, en arrêtant ici le train de ma pensée, de me demander si, justement, ce n'est pas cet interdit qui fit, en leur temps, tout l'intérêt des fictions lesbiennes des sixties. Epoques différentes...
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