lundi 3 avril 2017

This is why I never get anything done

Je suis toujours un peu beaucoup très fort ennuyé quand je me retrouve à laisser des mois complets défiler sans avoir publié le moindre billet.
Bon, j'ai jamais été un frénétique non plus, et en dehors du mois séquentiel de mai dernier qui fait honteusement gonfler les scores (et m'a mis dans le mood to write au point de vouloir tenter un rythme hebdomadaire avant de me calmer et de m'ajuster sur du mensuel - que j'n'arrive même pas à tenir), j'ai rarement une douzaine d'articles par an depuis 2013 que je tiens ce blog. Je suis même plutôt du genre à disparaître par tranches de six mois sans laisser d'adresse et/ou à programmer des tas d'articles à l'avance. Tout ça est du au seul et néanmoins bien réel problème de ma rédaction multisupport : je suis un as de la dispersion désordonnée.


Je commence à écrire un truc, puis change, débute quinze articles en même temps, pitche quatre fictions à la file à des amis, commence moi-même à rédiger quelque chose, et ne finit rien, sur aucun des tableaux.
Pourtant, j'ai de quoi faire rien qu'avec la diversité des articles que je publie. Certains sont des traductions de textes trouvés au hasard du web auxquels j'ajoute mes propres considérations, d'autres sont de purs travaux de recherches, quelques uns s'écrivent en quarante-cinq secondes montre en main, la plupart prennent des semaines à se finir pour se lire en moins de dix minutes. C'est le but, mais la dose de travail à la rédaction d'un article (en dehors des pauses random) est totalement incompatible avec la volatilité avec laquelle je les écris.

Dernièrement, j'ai débuté un article expliquant pourquoi je collectionnais les éditions de Beowulf. J'ai au fil des années accumulé, dans toutes les langues (que je sais lire, s'entend), toutes les traductions que je pouvais trouver du poème épique millénaire (et j'en ai des vieilles), des épisodes raccourcis pour des besoins anthologiques, des tas de bande dessinées adaptées du mythe, un nombre incalculable de versions jeunesse illustrées par des types aussi ronflants que Michael Foreman ou John Howe, des inspirations plus discrètes comme Les Mangeurs de morts de Crichton, des récits dédiés aux personnages secondaires à l'image du Grendel de John Gardner, et, évidemment, toute transcription cinématographique ou télévisuelle de la chose... Ca m'a fait voir et lire un paquet d'horreurs, mais ça n'a jamais diminué la fascination que Beowulf a sur moi.
Sauf que donc, perdu dans les méandres de ma propre fantaisie (c'est vraiment l'usage et l'impact moderne du personnage qui m'intéresse, pas le poème d'origine, et ça fait forcément digresser très fort), l'article n'avance pas.
Alors, comme j'ai l'attention span d'un gosse de huit ans, je zappe.
Je zappe sur de la bédé que je connais par coeur, par exemple, tentant par exemple d'explorer les arcanes du voyage dans le temps à la mode Warren Ellis dans le dernier épisode de Planetary, ou en dressant un historique fou des magazines horrifiques en noir et blanc des années 70. J'ai même commencé à expliquer l'inavouable (et pourtant mondialement connu) secret derrière la narration particulière de la trilogie John Carter (et de l'oeuvre d'Edgar Rice Burroughs toute entière, en vérité). J'ai aussi l'impasse des "séries" d'articles sur ce blog même où, depuis des lustres, je dois rédiger les follow-ups des mes histoires de couverturesaventures préhistoriques ou explorations de la fiction lesbienne. J'ai plein de pistes et d'idées pour les articles en question, j'en ai même planifié trois ou quatre suites dans les grandes largeurs, mais pour plein de raisons aléatoires, je n'ai pas encore débuté leurs rédactions.
C'est qu'au fil de mes recherches, je suis très vite distrait par mes propres découvertes, comme quand je me met à réfléchir à un récit mettant en scène un lansquenet allemand dans la Saxe du début XVIème, façon justicier solitaire complètement pop, après avoir revu Sanjuro et Yojimbo (ce qui date déjà de juillet-août dernier, si j'en crois mon propre post d'une photo du film), et que je finis par me plonger des les conflits religieux et la géographie de la Germanie de l'époque. Ou quand je me demande quel type d'épée je choisirais si, demain, je devenais immortel, à la Highlander (pour info, ce serait un sabre à deux mains de l'Allemagne renaissante, type kriegsmesser ou schweizersäbel - d'où l'histoire avec le lansquenet). Ce dernier point m'a fait fouiller le web à la recherche de spécimens particulièrement intrigants, jusqu'à palabrer avec un spécialiste des fauchons médiévaux quant à l'origine même des épées à simple tranchant sur le continent européen, considérant le trou entre les modèles romains et vikings d'avant le Xème siècle et l'arrivée du sabre à la fin du XIIIème (j'ai toujours pensé que les croisades contre les seldjoukide avaient importé le cimeterre en occident, mais, n'en déplaisent aux représentations iconiques de Saladin avec son épée-croissant, il semblerait que la présence même de l'arme dans la péninsule arabique à l'époque soit particulièrement discutée, les spécimens les plus récents en notre possession datant des années 1290, soit plus d'un siècle plus tard - alors que le modèle de l'arme date, lui, du VIIIème siècle turkmène). Notez par ailleurs que regarder un film est un effort marathonien pour moi, puisque j'ai sur un métrage exactement la même tendance qu'avec un livre : faire pause toutes les cinq minutes pour allumer Google et aller chercher pendant trois heures des tas de trucs auxquels une scène, un dialogue, une image ou que-sais-je encore m'a fait penser (je vous laisse imaginer le temps que prend pour moi le visionnage d'un truc comme la trilogie du Hobbit par exemple)...  'Voyez, même en expliquant pourquoi je digresse, je digresse.
Et ça, c'est pour les articles en cours, parce qu'il arrive également qu'un papier écrit à une vitesse éclair dans la frénésie de l'instant semble totalement absurde et sans intérêt une fois le point final tapoté. C'est ainsi ce qui est arrivé à une courte (et franchement polémique) chronique sur les rapports entre Disney, Tezuka et la création du manga, que j'ai après sa rédaction soumis à un ami vivant sur l'archipel et à même de corriger la (plus que) plausible erreur de mon jugement. Il fut plutôt enchanté par le texte, m'offrit quelques pistes supplémentaires et modifications bienvenues, mais au final, l'article ne me plait plus. Pas parce qu'il a été changé, bien au contraire, c'est même précisément le problème : je ne suis moi-même plus franchement d'accord avec le point que je développe, et je suis bien malgré moi totalement incapable de retoucher l'article pour lui redonner un semblant de pertinence.

J'ai l'air de me plaindre, mais il n'en est rien. Prenez plutôt ce billet pour une note d'intention, et l'assurance -parce qu'on m'a posé la question- que Fiction électrique n'est pas mort. Au ralenti assurément, en friche, peut-être, mais ce n'est que pour mieux ressemer.
Un de mes faux-dictons favoris dit que l'important n'est pas d'aléatoire, mais d'en revenir. J'écris, plein même, mais je ne conclus rien. Parfois, j'ai quatorze articles en cours, d'autres fois, j'en ai zéro. En ce moment, j'en ai trente. Ouaip, trente. Et c'est là où ça devient drôle : vu tout ce que j'ai en plan, j'aurais surement une douzaine de nouveaux articles en réserve d'ici quelques temps et je pourrais planifier deux-trois mois de posts intéressants à intercaler entre des random works of spur of the moment, et donner l'air d'être hyperactif tout en me tournant les pouces. Et ça me fait rire à un niveau lunaire. Les aléas du bloguisme.


'Pis au pire, je reposte toujours cinquante-mille liens et articles sur cinquante-mille sujets dont je n'parle pas systématiquement ici sur la page Facebook du blog. Vous pouvez même m'envoyer des messages pour me dire que je suis une grosse feignasse.