It's that time of the year, again !
Y a eu comme deux grosses périodes en 2017. D'abord le printemps, puis la fin de l'été. Les deux ont résulté en des tendances curieusement proches et très intrigantes, autant dans la programmation (une avalanche de films cyber-truc et de remakes) que dans mes choix finaux (des polars et du pulp), loupant (ou m'intéressant à peine à) la plupart des gros tentpoles. Une année calme, au final, dans mon visionnage, ce qui est d'autant plus paradoxal qu'on a vécu pas mal de séismes créatifs et médiatiques dans l'Hollywood de 2017. Ou comment, en onze exemples, montrer que le narratif et le financier ne sont vraiment pas sur la même planète...
Maigret tend un piège (19 février)
Diffusée en mars dernier en Angleterre, il a fallu presque un an pour que cette nouvelle version du commissaire, adoubée par la famille Simenon, arrive en France. Rowan Atkinson, tellement associé à son personnage de Mr Bean qu'on en oublierait qu'il est un excellent acteur et pas un imbécile patenté, y incarne un Maigret émacié, dans le doute, marqué et dépassé par une enquête qui n'avance pas, loin des figures bourrues de Jean Richard et Bruno Cremer. Paris (ou plutôt Budapest, très visible quoique savamment maquillée) lui répond bien, de ses journées calmes aux couleurs passées à ses nuits hypercontrastées filmées caméra à l'épaule. Esthétiquement, c'est superbe, décors et musiques (l'élégant générique...) contribuant à l'effet après-guerre du film (j'ai souvent, blâmez mes références, pensé au Saboteur) et renforçant la mise en scène à la fois ultra-léchée et terriblement froide et sèche d'un des scénarios les plus sombres de Georges Simenon. A ce titre, j'ai dans l'idée que commencer (car c'est le premier d'une série) par cette histoire d'un Maigret en porte-à-faux et plongé en pleine tempête interne est surtout du au fait de devoir présenter un acteur très différent de l'image que même l'Angleterre s'en fait (dont le plus connu, Rupert Davies, était très holmesien), le physique frêle d'Atkinson et son visage inexpressif (oui, Mr Bean inexpressif) s'avérant à la fois le plus grand écart et la plus grande qualité de cette (quand même septième) adaptation du roman. Le nouveau Maigret prend aux tripes, loin de la bonhomie à laquelle ses précédentes incarnations nous ont habitués (comparer avec le même épisode joué par Bruno Cremer est édifiant), et si je doute que les scénarios futurs soient aussi rudes (Maigret et son mort, diffusé la semaine suivante, avait déjà beaucoup moins d'impact malgré une scène d'ouverture violente et brutale), rythme et esthétique perdurent, et je suis assez impatient d'en voir les saisons suivantes, d'ores et déjà programmées... Par ailleurs, ayant attendu la diffusion en France plutôt que de me jeter sur la VOD anglo-saxonne (j'avais trouvé l'anglais assez rebutant sur les trailers, un peu comme voir David Suchet sans entendre Roger Carel), je dois bien avouer trouver la VF très très propre (avec la voix très reconnaissable de Guy Chapellier, qui colle étonnement bien).
John Wick 2 (22 février)
Dire que j'étais hype pour ce film est un euphémisme. J'ai mis un moment à le voir, pourtant, attendant la fin mai et une sortie VOD toute propre pour replonger dans ce monde de gangsters et d'assassins où tout le monde connait tout le monde et où les codes sont évangile. Et à dire vrai, c'est bien là le seul gros intérêt du film : l'expansion de sa propre mythologie. Le scenar' est loin du prétexte imbécile volontairement premier degré d'origine, essayant d'en faire plus sans vraiment réussir son pari, devenant un bête film d'action plutôt qu'un simple film d'action (la nuance est de taille), conservant la qualité de sa mise en scène (c'est super esthétique et élégant) mais perdant beaucoup en impact et en badasserie pure. C'est devenu une licence, le budget est trois fois supérieur, ça n'a plus besoin d'aller droit au but, ça peut prendre son temps et montrer des choses... Et c'est pas franchement fait pour (problème de sujet ou soucis de réal, je ne saurais dire exactement - quoique vu ce que l'autre cerveau derrière John Wick a fait sur Atomic Blonde, je penche clairement pour la seconde). Est-ce suffisant pour bouder son plaisir ? Grands Dieux non. C'est peut-être trop long à démarrer (lore, lore, exposition, lore), mais une fois que c'est parti, c'est jouissivement ininterrompu (jusqu'à la faute, au bout d'un moment, la poursuite dans le métro devient indigeste), et le tease du troisième volet est suffisant pour assurer encore deux(?) belles années de hype. En fait, John Wick 2 est exactement ce qu'on pouvait en attendre (à savoir : trop), se perdant parfois en chemin mais sans jamais oublier ce qui fait son sel : son univers étrange, ses bastons dantesques, et sad Keanu habité par le sad rôle.
Logan (1er mars)
Stoopid idiot superhero movie... hitting me right in the feels...
Kong: Skull Island (10 mars)
Juste au sortir de la Guerre du Vietnam, les 'ricains ont trouvé malin de se pointer sur une île avec un singe géant en mode Chevauchée des Walkyries, de balancer deux-trois bombes, et de se poser genre territoire conquis... Et l'île les a mangés... J'aurais pas imaginé plus pulp si j'avais été au script moi-même. Skull Island n'a pas un bon scénar', ne nous leurrons pas, ni une bonne cinématographie (n'est pas Gareth Edwards qui veut), mais il a de la gueule (avec quelques sacrés putain de scènes de badasserie numérique - le poulpe géant dans le lac!), une ambiance très réussie (j'adore la bande son) et une faune absolument fantastique (holy *actual giant freakin* cow...). Ca tombe bien, les monstres, c'est pour ça qu'on est venu, mais si vous ajoutez par dessus une théorie de la terre creuse, un brin de magie tribale, des retcons historiques plutôt bien vus, plein de références (la redite de la scènes des tirex), et quelques persos qui portent franchement le film (la transformation de Jackson en Ahab est limite terrifiante), vous obtenez... Tout ce que le film promettait, et exactement ce que je voulais ; un truc pulp, avec des monstres, qui introduit tout un univers fou mais sans manger son sujet direct (on parle avant-tout de l'île, et si on évoque de possibles incidences, c'est sans pour autant inclure d'éléments extérieurs -contrairement à La Momie, par exemple-, permettant un modèle narratif fluide, dont le spectateur ne rate bien évidemment aucune des implications à licence mais qui ne parasitent aucunement le récit). On pourra arguer que, comme pour Godzilla, Kong n'ait au final que peu d'impact sur son propre film en dehors d'un affrontement final complètement dingue, mais tout ce bordel, filmé à échelle humaine, le rend, comme pour Godzilla, diablement impressionnant, et assez rare pour en prendre une aura presque mystique. Kong n'est pas un grand film, je le répète, on n'échappe pas à quelques scènes bieeeeen débiles (Loki et son katana...), son scénario est simpliste et sans véritable enjeu et ses héros sont un poil cons, mais son worldbuilding est fantastique, il balance trente idées géniales à la minute, et j'ai trépigné comme un gosse pendant deux heures. Le "Monsterverse", qu'ils appellent ça, chez Legendary. Well, i'm in.
The Lost City of Z (15 mars)
D'où Conan Doyle tira son Monde perdu ? Qui est le Professeur Challenger ? De Z. Percy Fawcett. Adapté du livre éponyme paru en 2009, réalisé par son scénariste dans une jungle apocalyptique, La Cité perdue de Z est une biographie hautement romancée de la vie d'une des figures de l'exploration sud-américaine, un film contemplatif et mystérieux, certes, mais aussi un brin complètement fou, issu d'une production longue et périlleuse de près de sept ans. Pour quel résultat ! C'est formidablement beau, usant avec beaucoup de justesse du jeu faussement ironique de l'ex-Jax Teller (qui prouve ainsi qu'il a un minimum de talent, ce dont on était clairement en droit de douter vu son absence de perf dans Pacific Rim et surtout l'infâme Arthur de Guy Richie) pour dresser le portrait d'un homme qui se découvre en découvrant, rongé par l'ambition puis dévoré, à plus d'un titre, par sa destinée. Tout est profondément ancré dans une réalité assurément palpable mais aux accent délibérément épiques et poétiques, entre loyauté et dévotion, femme, fils et aide-de-camp maintenant à flot un bateau-héros hanté mais qui jamais ne sombre dans l'aveuglement fanatique, même harangué par un fou cupide et envieux. Et curieusement, pour un film aussi long et dense, il parvient, bien aidé par l'irrégularité des aller-retours Bolivie-Angleterre, à être parfaitement aéré et digeste, montrant beaucoup, disant plus encore, et remplissant avec une efficacité confondante les yeux et les oreilles des spectateurs avides de mondes disparus autant que de personnages bien plus complexes qu'il n'y paraît. Z est l'antithèse de Kong, on est loin du récit pulp binaire qu'on aurait pu imaginer, et chaque action est aussi longuement réfléchie que ses conséquences sont pesantes, contredisant chaque avancée archéologique par un soupçon d'égoïsme toujours au bord de l'acharnement fiévreux, mais restant toujours viscéralement exaltant, ajoutant encore à la légende d'un homme qui a rejoint les David Livingstone et les Roald Amundsen au panthéon des personnages qui, s'ils avaient été de papier, auraient parus totalement improbables.
Rakka (14 juin)
Si citer un court métrage dans une liste de "films" est une idée qui ne m'a jamais gênée, elle reste sujette à caution, mais celui-là, il est tout à fait spécial et mérite grandement sa mention. Rakka est arrivé comme une bombe, quelques mois après que Ridley Scott ait enterré le projet d'un Alien 5 par Neill Blomkamp et deux semaines à peine après que ce dernier ait lancé l'idée d'Oats Studios, destiné à illustrer plein d'idées cool et à pulvériser les a-priori sur le format court et l'idée low budget qu'on lui attache. Rakka pue la badasserie visuelle à tous les étages autant qu'il suinte le concept à demi réalisé, joue sur les codes du cyberpunk et de l'invasion alien autant que sur ce qu'on connait et attend de son auteur, balance Sigourney Weaver en tête d'affiche du pif et tourne ça dans une carrière désaffectée à trois sous en Afrique du Sud... Alors pour sûr, ça a des moyens bien costauds, c'est pas du système D, mais Rakka, c'est les techniques d'une superprod moderne avec une portée de p'tite bourse (sérieusement, c'est fait sous Unity), au format proof of concept (le studio se présente ouvertement comme "incubateur à idées") franchement aguicheur et surtout mu par une liberté créative totale et sans limite, et distribué et financé "à vot' bon coeur" sur le Tube et Steam, les plate-formes indé du futur. Et non seulement le principe marche au premier degré, tant dans sa poche narrative immédiate que dans son but de donner envie d'en voir plus, parce qu'évidemment le mec sait tenir une caméra, mais une fois étendu, ça fourmille vraiment d'idées (à ce titre, si Rakka reste le manifeste du concept et de loin le meilleur produit proposé par Oats Studios à ce jour, les suivants, entre le dégueulasse Zygote -en passant, sa fascination cronenbergienne pour les monstres cyborgo-post-humains est vraiment mon plus gros soucis avec Blomkamp, c'est crade juste pour le plaisir d'être crade, ça sert vraiment à rien narrativement-, le très intrigant Adam et l'hilarissimement noir God, n'en ont pas la moitié d'une non plus), au point que d'un certain point de vue, je suis en vérité assez content qu'il se soit fait sucrer son Alien (à propos duquel Zygote est par ailleurs la plus explicite "vengeance") - Blomkamp a pris la balle au rebond est s'est enfui avec, dans une situation à la "Dune de Jodo" où la redirection d'énergie créative permet et devient bien plus que ce que le projet initial promettait, sortant une grosse douzaine de shorts tous plus intrigants les uns que les autres en six petits mois et dans la brèche de laquelle des tas de gens se sont immédiatement engouffrés (notamment Roberto de la Torre, ancien graphiste chez Marvel, avec lui aussi un concept dystopique pas piqué des hannetons). Peut-on vraiment passer d'une haine farouche envers un réalisateur à un amour irraisonné pour son univers ? Neill Blomkamp vient de me le faire faire avec Oats Studios.
Valerian et la cité des milles planètes (27 juillet)
Plein. La. Gueule. C'est c'que j'voulais, c'est c'que j'ai eu. Les bandes annonces m'avaient bien intrigué comme il faut, et c'était très largement le film que j'attendais le plus cette année (loin devant même John Wick 2 et Blade Runner 2049). Il me faisait, fort logiquement et pour tellement de raisons que j'ai une flemme terrible de les énumérer, penser au Cinquième élément qui aurait bouffé du Avatar, plein de l'urgence primaire du premier et de la diversité esthétique du second (et vu l'avalanche de clins d'oeil des premières vingt minutes, c'est difficile à rater). Je savais que ce serait une histoire lambda de sauvetage du monde, mais j'osais croire que, justement, on n'oublierait pas de nous montrer le monde à sauver, que le film remplisse au moins son office de magasin de bonbons où on ne sait pas où regarder tellement y en a partout. Et... Mission accomplie, clairement. Bon, pour sûr, nombre des problèmes soulevés par la critique sont parfaitement valables et justifiés, Cara Delevingne bouffe l'écran et a l'air de franchement s'amuser (et fait aussi parfaitement écho au shift dans la bédé qui a fait de Laureline son personnage principal au bout d'un moment) mais peine à former un véritable duo avec un Dane DeHaan égal à lui même (un cocky millenial monolithique qui joue comme une patate et étouffe la moitié de ses mots), le rythme est parfois un peu bancal, les motivations pas toujours claires, mais, tout défenseur de l'hypernarratif que je sois, j'ai paradoxalement pas l'impression que ce soit non plus un véritable défaut (surtout que, pendant ce temps, on nous vendait comme la création divine la bédé de Lupano et Lauffray, dont le scénar' s'est avéré absurde à en devenir incompréhensible, et surtout pas drôle) - non, c'est son univers qui capte, coloré et fou, plein de créatures étranges et de paysages bigarrés, et le fait que l'histoire change aussi souvent d'allure (et d'allure) contribue à nous faire visiter tous ces endroits. Ce film est une fête, un cabaret visuel jamais vraiment sérieux ni totalement grotesque, la cinématographie est superbe, il y a de la vie et des tas de personnages complètement barrés à rencontrer sur le trajet d'une aventure aussi multiculturelle que son titre le vante. C'est pas Le Cinquième élément, on va pas en sortir les répliques pendant les vingts prochaines années et la cassette vidéo ne va certainement pas traîner dans le magnétoscope des enfants, mais Valerian fait indiscutablement partie de ces "trucs à voir", terriblement efficaces dans leur premier degré imaginaire et qui passent tellement de temps à faire du worldbuilding qu'ils en oublieraient presque de raconter des trucs (presque). Un peu le même reproche que je faisais à Kong, pour exactement le même résultat d'ailleurs : au final, j'ai adoré ce film, parce qu'il est fun, parce qu'il est créatif, parce qu'il est impossible de ne pas tomber amoureux de son héroïne, parce que pendant deux heures vingt, j'étais pendu à son monde bariolé complètement fou, parce que ça m'a franchement ennuyé d'avoir à le quitter, et parce qu'alors que je pense tout l'inverse dans le cas des univers étendus post-comics, là, pour le coup, je crève d'envie d'y retourner. Ouaip. je veux une suite.
Cars 3 (2 août)
S'il y a bien un film dans la longue série de mes visionnages annuels que je ne m'attendais pas à voir là... Loin des idioties spyfy totalement ratées et de l'humour lourdingue du deuxième, Cars 3 a une vibe Jours de tonnerre du...euh... tonnerre, mais à l'envers, avec une histoire de retour face à un concurrent plus hype, un héros plus vieux, et une quête "retour aux sources" tout à fait classique mais au retournement final bien choisi (sinon convenu et anticipable). Cars 3 opère un retour à la culture automobile plutôt réussi, s'offrant entre les vannes anthropomorphiques une évocation des origines de la NASCAR assez juste et un traitement beaucoup plus touchant qu'il n'y parait du temps qui passe. C'est curieux, mais c'est toujours assez beau d'avoir un héros qui vieillit (et qui vieillit bien, même quand c'est une tête de con comme Flash McQueen) dans un film pour enfants, surtout quand ça correspond à une certaine logique de production (la licence a onze ans, moi-même ça me fait me sentir plus vieux). Ou comment, tout en restant irrésistiblement pop-à-produit-dérivés, drôle et en essuyant l'ire d'une critique qui trouve toujours qu'on est la franchise la plus creuse et bête d'une firme respectée, on peut trouver le moyen d'être pertinent.
Starship Troopers: Traitor of Mars (21 août)
Si Starship Troopers est un film dont j'ai un souvenir vivace et dont je suis bien incapable de nier l'immense qualité, il est loin de faire partie de mes impérissables classiques. J'ai en revanche un certain attachement au prolongement de sa licence, dont l'univers martial me fascine. Ses suites DTV m'amusent énormément pour plein de raisons nanardesques totalement aléatoires, la série télé en images de synthèses était franchement excellente, et je dois admettre que j'aime énormément -sans le moindre sous-entendu bis cette fois- le film d'animation Invasion de Shinji Aramaki. Il y avait planté les germes du type de retravail d'univers qu'il mettrait à profit dans son (superbe) Albator, tout en offrant un rendu à la fois plus proche du bouquin d'origine et surtout quasiment calqué sur les (encore plus superbes) OAVs de 1988. Traitor of Mars lui fait directement suite, toujours réalisé par monsieur Appleseed et réutilisant (logiquement) ses assets graphiques, plantant sur la belle rouge le décor d'une attaque surprise à l'échelle planétaire changeant agréablement du cadre très serré des vaisseaux-tubes du précédent. Et c'est parti pour 1h20 de carnage ouvertement bête et bourrin mais toujours très cynique, dans la joie et l'image de synthèse passée d'âge, avec force vagues arachnides, exo-armures et noms de codes à moitié débiles, sur une planète magique qui met toujours des étoiles dans mes yeux, peu importe les raisons pour lesquelles on s'y trouve. Et au milieu, une idée un peu vaine mais terriblement aguicheuse, exactement dans le même genre que celle qui faisait du huis-clos de 2012 un film binaire mais plein de rythme et de tension, mais, là encore, en beaucoup plus grand (et en s'offrant sa pelletée de références au passage -le fantôme de Dizzy n'est que la partie immergée-, signe aussi que le petit budget confidentiel d'Invasion a laissé place à un film qu'on désire réellement (ré)inclure dans la mythologie de la série). Oui, on a perdu la "finesse" de Verhoeven depuis longtemps, non, c'est pas grandiose, mais l'essence reste, et je mentirais en disant que ce n'est pas l'une des tranches de cinéma les plus réjouissantes, à bien des égards, que j'ai vu cette année.
Wind River (30 août)
"This isn't the land of waiting for backup. This is the land of 'you're on your own.'" Il y a deux ans, Taylor Sheridan (surtout connu pour son rôle de sheriff adjoint dans Sons of Anarchy) s'est placé sur la carte de l'Hollywood moderne en signant le scénario du Sicario de Denis Villeneuve. L'année passée, il était aussi la plume derrière l'excellent Hell or High Water de David Mackenzie (Commancheria en VF), un film qui a un temps fait partie de ma sélection avant de faire les frais de mouvances plus pulp. Avec Wind River, Sheridan s'offre un trois sur trois dans les films notables de l'année, sauf que cette fois, il réalise son truc lui-même et il y colle plein de neige du Wyoming. J'ignorais d'ailleurs la corrélation avant de chercher un peu pourquoi ce film me paraissait si familier. Sheridan emprunte évidemment énormément aux (excellents) réalisateurs avec lesquels il a travaillé, jusque dans la production (la bande-son, par ailleurs curieusement proche du Proposition de John Hillcoat, est signée par la paire Nick Cave/Warren Ellis déjà à l'oeuvre sur Hell or High Water, et c'est Chris Pine qui devait tenir le rôle du chasseur), renforçant encore un peu plus l'unité du projet. En gros, Wind River avait de sacrés attentes à combler, et si je n'avais pas réellement idée desquelles en débutant le film, elles apparaissent néanmoins clairement dès son introduction. Intense et engagé, s'il était une bédé, Wind River serait le croisement crépusculaire entre le Whiteout de Greg Rucka et le Scalped de Jason Aaron, un polar rude et froid (dans tous les sens du terme) au message tristement fataliste sur la condition amérindienne moderne, attaché à dresser le portrait le plus cru et vrai des événements et de ses acteurs. Hyper narratif et très formel, Wind River est aussi clairement un film de scénariste et n'est à ce titre probablement pas le meilleur des trois, mais il est indiscutablement le plus personnel : on parle sans cesse de Denis Villeneuve, et oui, le monsieur est un réalisateur avec une patte, mais en plaçant Wind River à la suite des deux autres comme la conclusion d'une informelle trilogie des frontières américaines, il apparaît indéniable que la vision est avant tout celle de Sheridan.
Le Crime de l'Orient Express (13 décembre)
Mon film de Noël, de et avec Kenneth Brannagh, avec un casting en or massif et une production value de malade mental. Bon, on connait déjà la fin, mais avec la gueule de ce truc (le premier trailer puait déjà la classe, et le film explose la rétine pendant 1h50), le passif de son mégalomane auteur et ma propre appréciation de l'oeuvre de Dame Christie, il m'apparaissait impensable que ce film ne fasse pas mon top annuel. Par chance, il est aussi lumineux que sa fiche IMDB laisser espérer, flamboyant et travaillé à souhait, dans des décors sublimes, avec une colorimétrie de bédé qui sied parfaitement à l'orientation de la mise en scène (un départ très comédie, une enquête de plus en plus sérieuse, et ce final de tragédie grecque), profitant autant du côté Royal Shakespeare Theatre de Brannagh que du caractère plus ou moins déluré de sa distribution (j'vais pas faire une liste, mais Dame Judi en princesse russe, Michelle Pfeiffer en cougar, Depp en gangster insouffrable ou Willem Dafoe en scientifique autrichien raciste, c'est du sur mesure), résultant en un huis clos particulièrement savoureux, ponctué de quelques plans et répliques d'anthologie. Dans une année où j'ai vu étonnamment beaucoup de vieux policiers revenir sur le devant de la scène, ce film est de loin le meilleur, aussi fantastique que la moustache de Kenneth. Par ailleurs sorti horriblement tard en France (deux mois après l'international), il est le dernier film que j'ai vu en 2017... Ou comment finir l'année exactement sur la même note qu'elle avait commencé.
Et aussi, le coffret Serials noirs dédié à Louis Feuillade, avec Fantomas et Les Vampires en version quadruple XL restaurés, et des docus de l'awesome, et un bouquin compagnon rempli à ras bord. J'en reparlerai bel et bien un jour, 'faut juste que je me procure le machin...
Mentions
Le Destin des furieux mérite évidemment sa mention cartoonerie débile, embrassant plus que jamais son côté spyfy pour une montagne russe motorisée à la hauteur de son titre : ultra conne mais ultra communicative - dans le 10, z'iront dans l'espace, vous verrez... On va aussi ranger son p'tit frère XXX à côté, de retour pour de sombres raisons d'arrangements de licences entre producteurs, mais franchement, avoir du Vin Gasoil en double, moi ça m'va. Avec son cast réduit (mais qualitatif) et son scénar' en une ligne (mais terriblement captivant), The Wall est un plutôt surprenament carrément bon thriller militaire, prouvant s'il était encore nécessaire le talent de Doug Liman pour monter une bonne tension (le vrai réal' star de la trilogie Bourne, c'est lui, pas Greengrass...). The Dark Tower est profondément vicié, c'est indéniable, mais il y a dans ce raccourci de l'épique délirant (et indigeste) de King assez de fantaisies (urbaines) pour salement titiller mes tendances pulp, et McConaughey vaut la vision à lui seul. Une p'tite mention hors-film aussi pour Philip K. Dick's Electric Dreams, série anthologique autrement plus intéressante que ce qui a été fait sur le monsieur dernièrement (Blade Runner 2049 inclus : ce film est assurément le loupé de l'année - c'est beau, la réal' et la direction artistique ont tout compris au "truc" Blade Runner, mais entre ça, Exodus et les Prometheus, y commence à en avoir soupé des délires créationnistes de Ridley...)
Oh, et Ghost in the Shell c'est meilleur que Wonder Woman.
Et l'an prochain ?
Mission Impossible 6 va être inévitable. On n'a jamais eu d'Expendables feminins grand luxe, Ocean's Eight est ce qui s'en approche le plus... and it looks gorgeous. Annihilation, le réal d'Ex Machina qui adapte l'éditeur du Big Book of Science Fiction, dans mon cerveau, ça fait des confettis. Jurassic World 2, parce fuck you haters. Les Indestructibles 2, avec le retour de Brad Bird. Et Soldado, dédié au personnage de Beni del Toro dans Sicario - si à l'origine je trouvais l'idée d'une "suite" totalement absurde, je suis maintenant bien curieux.
lundi 1 janvier 2018
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