Piqué par la curiosité, j'ai cherché. Vite et bien, semble-t-il, parce que j'ai vite trouvé. Vite trouvé le nom, s'entend, car l'artiste lui-même m'a plutôt scotché, et j'ai pris quelques semaines de plus pour parcourir son oeuvre, car plus j'en voyais de ce monsieur et plus j'étais certain d'avoir déjà vu ou lu un de ses bouquins, bouquins pourtant totalement introuvables (voire inexistants).
Son nom ? Louis Biedermann.
Biedermann (1874-1957) est un illustrateur de presse, multigenre et multitâche, auquel on doit essentiellement des dessins accompagnant les articles n'ayant pas de photos. Il se fait vite remarquer et signe par la suite de nombreux posters promotionnels pour des douzaines de trucs différents et illustre de nombreux livres et pulps de l'époque. Le problème, c'est qu'en dehors d'une pelletée d'images et de ces quelques indices de carrières, il est devenu un de ces fantômes du début du XXème siècle dont on connait des oeuvres éparses et absolument pas la vie. La raison ? Elle est double : d'abord, il a essentiellement publié dans des périodiques qu'il est extrêmement compliqué d'archiver, ensuite, le caractère incroyablement transformiste de son trait.
Biedermann était de ces artistes qui pouvaient en remplacer un autre et imiter à la perfection les caractéristiques distinctives de ses pairs. A ce titre, par exemple, l'illustration qui m'a permis d'identifier sa signature est particulièrement représentative.
Montrant entre autres les extraordinaires qualités de graveur de Biedermann (pour un décor de place apparemment totalement fictionnel qui pourrait aussi bien être Bruxelles que Copenhague), cette illustration, issue du calendrier 1930 de King Features est aussi un monument pour tout amateur de comic strips de l'époque. Chaque personnage y est rendu dans le style même de son auteur dans un grand mélange cartoony, et un grand mélange cartoony que je suis certain de connaître. Sans rire, si la signature et le nom ne me disaient évidemment rien, une fois devant ce poster, j'étais certain d'avoir déjà eu affaire au monsieur dans ma jeunesse. Ces grands compositions de héros jeunesse nord-américain, au style relativement commun, entre le Little Nemo de Windsor McCay et le Disney des origines...
Plus que tout, c'est le drôle de dandy débraillé portant un paquet sur la gauche qui me rappelait quelque-chose. Quelque chose dont j'avais une idée très précise d'ailleurs : ce type a tellement la tronche d'un soviet dans Tintin que c'en est presque honteux. Je devais savoir.
J'ai vite su.
L'idée même de ces illustrations vient en fait du livre All the Funny Folks, publié en 1926 et auquel Biedermann avait participé. Il rassemblait, au format pour enfant, différent héros de funnies (petit nom accordé aux comic strips familiaux et jeunesse) dont une partie de moi est sûre et certaine d'avoir eu un exemplaire entre les mains dans sa jeunesse. Où et dans quelle langue reste le grand mystère.
Toujours est-il que j'avais le nom de mon fameux personne : il s'appelle Jiggs et fut créé en 1913 par George McManus dans son strip Bringing up Father (La Famille Illico en France, dont, ça par contre, toutes les parties de moi sont d'accord pour dire que je lisais chez mes grand-parents - pour être précis, ils avaient un exemplaire des parutions Hachette de la version Frank Fletcher du strip).
Mais cette idée de soviet me hantait... Alors j'ai cherché, et j'ai découvert qu'Hergé avait une fascination pour McManus et ses nez "en boutons". D'où le style originel de ses dessins, notamment sur Totor (1926), et la présence, effectivement, de personnages aux caractéristiques très jiggsiennes lancés aux trousses de Tintin.
Louis Biedermann, donc. Une signature dont je me souviendrai.
Et 'faut tellement que je m'entraîne à lui piquer son style pour les paysages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire