Comme prévu, avec un peu de retard, mon top cinéma de l'an dernier. Un top un peu compliqué à faire parce que j'ai précisément pas été au cinéma, j'ai vu tout ça en véodévédé ...Ce qui correspond en fait plutôt bien au modèle économique actuel, dont les plate-formes type Netflix ou Amazon Prime sont devenues de vrais facteurs.
The Outsider (9 mars)
Deux choses : j'aime pas les films de gangsters, et j'aime encore moins les films de yakuzas. Pourtant, une nuit, la curiosité m'a poussé à regarder ce film que les aléas de production avaient fini par mettre entre les pattes de Netflix et d'un réalisateur danois inconnu, avec ce mec louche de Jared Leto en tête d'affiche. Ces trois points se ressentent très fort, du style sans fard (mais très esthétique) de la cinématographie au montage très télévisuel (le générique arrive au pif au bout de dix minutes) en passant par ce monolithe androgyne qu'est le chanteur de 30 Seconds to Mars. Seulement, une fois qu'on entre dans ce monde hypercodifié par la porte cassée d'un ex-prisonnier de guerre avec un sérieux problème de canalisation de la colère, il se passe un truc. Le scénar' est cousu de fil blanc, mais l'implacabilité de la narration le rend curieusement palpitant, les personnages sont tous des pourris ultra violents, mais la binarité de leurs relations les rend fascinants, et derrière les innombrables masques de sa prod alambiquée, de son casting hasardeux et de son budget manifestement limité, il y a un film simple mais étonnement bien foutu. Il est aussi, ses réalisteur, monteur, directeur photo et compositeur étant tous danois, emprunt d'un peu de cette fatalité nordique qui, associée au stoïcisme et à l'imperturbabilité du Japon, en fait quelque chose de particulièrement captivant. Evidemment, la critique lui a joyeusement craché à la gueule, et, sûr, The Outsider n'est pas le genre de film qui fera date ni posera sa marque sur le subconscient de son spectateur, c'est pas Les Promesses de l'ombre et 'faut pas s'attendre à autre chose qu'à un produit très calibré, mais son visionnage a quelque chose de réellement magnétique.
Hostiles (14 mars)
Quand j'ai bouclé ma liste l'an dernier, j'étais assez surpris de n'y trouver aucun western, alors que le genre arrive à subsister drôlement entre oeuvres crépusculaires, exploitation bête et pop grandiloquente (et influs honnêtes, comme la "trilogie des frontières" de Sheridan qui, elle, avait fait le cut). C'est qu'au milieu des Lefty Brown, des Hickok et des Ben Hall, celui qui m'intriguait le plus, c'était Hostiles, sorti le 22 décembre outre-atlantique mais qu'il a fallu attendre le printemps pour découvrir en Europe. Ce film, par le réalisateur du superbe Crazy Heart il y a bientôt dix ans de ça, c'est la rencontre de Tommy Lee Jones, John Hillcoat et Walter Hill (en même temps, caster Wes Studi en chef stoïque...), froid, lent, rude, implacable et sombre, et si son déroulé est quelque peu convenu (le scénar, découpé en deux "épisodes" bien distincts, est en pilotage automatique et n'évite aucun cliché), sa cinématographie en fait quelque chose de tout à fait particulier, quasi viscéral. Je me rend compte en écrivant ceci que c'est exactement ou presque ce que j'ai dit de The Outsider, mais on ne joue vraiment pas dans la même cour. Partant de la classique image des vieux soldats fatigués marqués par tant d'horreur qu'ils sont incapables d'en sortir (on est en 1892, les Guerres Indiennes viennent à peine de finir), Hostiles a un souffle, du genre de celui qui gronde et fait trembler le monde, plongeant cette bande de fantômes de l'ouest (ils vont tous, littéralement, vers la mort) sous une chape de post-traumatisme sourd (je ne cite pas Tommy Lee Jones au hasard, j'ai souvent eu l'impression de me retrouver devant un successeur du Homesman), tirant sur toutes les cordes dramatiques et appuyant sur toutes les blessures pas-refermées-du-tout qu'a l'Amérique moderne avec ses indigènes. Il y a de superbes images, une mélancolie presque poétique dans ses derniers instants, et quand c'est violent, c'est bien plus souvent crade pour l'émoi que pour le propos, mais justement... "Le choc des photos".
Andre the Giant (10 avril)
HBO qui produit un documentaire sur une star du catch, c'est pas commun, mais André Roussimoff était tout sauf commun. Et j'ai rien à dire de plus sur ce film. Voyez-le, c'est tout.
Jurassic World: Fallen Kingdom (6 juin)
Bordel, ce scénar' complètement bonkers... et excellent (c'qui n'est absolument pas incompatible) ! Comme son prédécesseur, Jurassic World 2 reprend l'idée de Jurassic Park (2) et la retourne sur sa tête (en passant, la vanne du "retourner sur l'île est une mauvaise idée" de toutes les critiques...euh... oui, précisément, c'est le Bon Dieu de point - qui plus est, si vous me permettez quelques lignes de rant, on parle des océanographes qui plongent avec des requins ? Des Bear Grills partout dans le monde ? Des photographes qui se planquent sur les pistes de chasse et des touristes qui veulent à tout prix toucher les lions ? On est devant la plus pure situation de "si c'était dans un film j'le croirais pas" : d'un point de vue narratif, sachant qu'on est devant un film où des gens vont se faire bouffer par des dinos, retourner sur l'île en connaissant ses dangers et son passé, oui, c'est débile, mais si cette île existait en vrai, je vous fous ma tête, mes deux bras et tout le haut de mon corps à couper que des tas de gens, scientifiques, badauds et aventuriers, iraient dessus, même -surtout!- s'il fallait braver la loi pour ça). Enfin bref, "retourne l'idée sur sa tête", disais-je, plongeant les dinos dans l'équivalent d'un château Nazi du futur et offrant un délire visuel et conceptuel à la fois complètement absurde et totalement sensé, continuant d'opposer l'approche zoologique à l'exploitation qu'en feraient quelques gens un peu trop friqués et royalement inconscients, bien à l'abris dans leurs tours d'ivoire. Fallen Kingdom est un organique écho aux peurs numériques modernes, donnant à la singularité incontrôlable la forme et l'instinct primal d'un bon gros lézard génétiquement modifié. Bien entendu, il ne faut pas oublier que pour tout son propos un brin meta et les fulgurances particulièrement vives de son réalisateur (of L'Orphelinat fame, de loin le film qui m'a le plus terrifié ever, et ça se sent...), Fallen Kingdom est un produit calibré et prévendu, et tous les défauts du blockbuster y sont ; ça part dans tous les sens, le méchant est débile (et use même du fameux(?) "villain speech", vous savez, le "you and me are the same"), certains noeuds scénaristiques sont d'un commeparhasardisme grossier, c'est curieusement mal rythmé malgré une structure très simple (on dirait même qu'il manque des bouts - coupes studio?) et l'intrigue est télégraphiée à des kilomètres... Mais... Quand ça fulgure, ça fulgure pas à moitié, c'est bourré à craquer d'idées géniales et de plans complètement fous à vous accrocher à votre siège (le Mosasaure en intro et l'Indoraptor au clair de lune vont rester dans ma rétine un petit moment), et ça prend même le temps de se moquer de soi-même sur la route (le plan sur les rangers de Claire m'a honnêtement arraché un rire). Y a mille fois plus de trucs à voir et à réfléchir dans ce film que dans, au pif, Infinity War. On est loin de la magie de 1993, vous a-t-on dit ? C'est vrai, et ça tombe bien, on est en 2018, nos aspirations et préoccupations ne sont plus les même et le paysage cinématographique a bien changé ; Jurassic Park n'est plus un défricheur à la recherche de nouveaux horizons mais un explorateur aguerri qui s'adapte à un environnement qu'il a lui-même créé, et Fallen Kingdom, non content d'être un bien bel objet de cinéma pop-corn au premier degré, en est un beaucoup moins con qu'il n'y parait, avec quelques thématiques super intrigantes et un final parmi les plus exaltants de ces dernières années... Même pour les gens qui n'aiment pas ça.
Ocean's Eight (13 juin)
Si on n'a jamais eu d'Expendables féminins grand luxe (on a eu plein de trucs d'exploitation crado, mais ça compte pas), ce truc est ce qui s'en approche le plus... Bon, avec beaucoup moins de patates dans la yeule et d'explosions, mais vous voyez où je veux en venir. D'après les trailers, ça avait l'air fort chouette, et après cinq minutes de film, j'ai validé son entrée dans mon top de l'année : j'étais mort de rire à la fin de l'ouverture, et un sourire niais ne m'a pas quitté de tout le visionnage (du moins dans les passage où j'ai pas ri ouvertement). Oh, c'est pas Ocean's Eleven et Gary Ross n'est pas Steven Soderbergh, mais c'est fun, frais et ces dames s'en sont donné à coeur joie. Au point même d'être (et c'est de toute façon clairement comme ça qu'a été pubé le film) la seule raison de le voir. Il y a un côté très vain dans la démarche, c'est téléphoné au possible et le scénario en lui-même ne vaut pas grand chose, mais il a été monté pour que Bullock, Blanchett, Hathaway, Bonham Carter et les autres s'amusent, et c'est monstrueusement communicatif. Un peu comme avait fait, très justement, Soderbergh avec son film de rednecks l'an dernier, en fait. Ocean's Eight est l'antithèse des polars que j'ai vu cet hiver, un feel-good movie à la joyeuse criminalité, complètement anecdotique dans le grand dessein des choses mais impossible à ne pas apprécier.
Incredibles 2 (15 juin)
Le retour de Brad Bird sur ce qu'il faut désormais appeler une franchise m'a fait me rendre compte d'un truc : au delà de son prémice façon Quatre Fantastiques et de l'ambiance ouvertement pulp, Les Indestructibles était en vérité un film de spy-fy, des péripéties propres aux décors jusqu'aux vilains pas-si-méchants et ce "twang" si particulier de la bande originale, très Bond-des-60s. Ce qui, avec le recul, faisait bel et bien du monsieur le parfait réalisateur pour Mission Impossible (en passant, l'épisode annuel, Fallout, j'ai pas aimé. Du tout.)... Or donc, quatorze (damn, quatorze!) ans et deux films live après le premier volet, voici Bird revenu chez Pixar et sur le meilleur film de super-héros jamais posé sur pellicule (car cette fois-ci, on est bien dans un film de supes). Quatorze ans qui sont très intelligemment ignorés pour reprendre pile où le premier s'était arrêté (avec l'invasion du "Undeeeeermineeeeeeer!") et conserver la dynamique familiale intacte. Ou presque, parce que quatorze ans se sont bel et bien écoulés dans le vrai monde de la vérité véritable et c'est cette fois Maman qui part en mission et laisse Papa s'occuper des mômes. Cue une tonne de blagues sur l'inadaptabilité de cette montagne humaine (le choix des pouvoirs des personnages n'a jamais été un hasard) à la vie de papa-au-foyer, des quiproquos rigolos, un peu de teen drama sur la route, et une savante dose de scènes d'action ultrabadass en contraste explosif (Brad Bird est un réal' dont les scènes fourmillent de petits trucs et Incredibles 2 est un spectacle ultra inventif de tous les instants), pour finir sur cette inévitabilité déjà explorée dans le premier volet et qui manque tant aux vrais FF du cinéma : une famille est plus forte quand elle combat ensemble. Pas que le film soit exempt de défauts pour autant (notamment de rythme) et, oui, il est infiniment moins bon que le premier (dont il reprend presque point par point le scénario), mais jamais dans les plus folles espérances de qui que ce soit aurait-il pu atteindre ce niveau d'excellence, et surtout, il tape toujours aussi juste dans les questions qu'il aborde (en même temps, c'est Pixar, des mecs qui usent à l'infini de la même histoire pour explorer plein de thèmes très cool...). Alors enjoy. Juste enjoy. Sérieusement. Les Indestructibles est toujours le meilleur film de super-héros de l'histoire et, maintenant avec une suite, il devient la meilleure franchise de super-héros de l'histoire ; quelque-chose de frais, fun, familial, narrativement super serré, qui ne demande pas d'avoir vu ou lu mille épisodes précédents et ne se base sur rien de meta/crossmedia et qu'on est, avec son délai d'attente d'une décade et demi, vraiment content de retrouver... Et à l'heure où Marvel a largement dépassé le stade de la bienvenue et commence sérieusement à ressembler à ton excessivement attachée petite copine, Grands Dieux ça fait du bien.
Christopher Robin (3 août)
Pendant vingt-cinq minutes, j'ai détesté ce film. Pas que sa trop longue ouverture fut mauvaise, oh non, juste, y a un truc qui clochait. C'était trop plat, trop... inintéressant, vraiment, pour que je m'investisse dans la triste vie d'adulte d'un Jean-Christophe (note : j'ai vu le film en VO et en VF, et je vais utiliser les noms français, c'est ceux que je connais) joué sans âme par Ewan McGregor. Et puis ça m'a frappé. "Sans âme", précisément. Le réveil de Winnie, aussi magique qu'accidentel (renverser du miel sur un dessin, quelle idée) et attendu (il est, justement, l'âme du film), a soudain tout changé ("mains en l'air, et, mains en bas..."). De l'amusante symétrie de leurs retrouvailles à l'inévitable passage de l'ourson (et de son ballon, véritable talisman) dans les bras de sa fille (passage qui, fort intelligemment, amène le dernier acte du film plutôt que sa conclusion, faisant de Madeline l'héroïne finale), cette étrange aventure emmène Jean-Christophe en quête de ses vieux compagnons, à travers sa propre mythologie et dans un effort remarquable de ne jamais remettre en cause la réalité de ce monde en peluche. C'est délicieux, drôle, touchant, admirablement bien réalisé également (dans un style hyperréaliste qui m'a fait comprendre, des années après, la raison pour laquelle Maître Hibou et Coco Lapin ne sont pas des peluches : ils sont des créations d'A.A. Milne, pas des jouets de son fils, ils n'appartiennent qu'aux livres et donc pas à l'imagination de Christopher Robin), et juste... magique, vraiment. Ce film est mignon. Pas parce qu'il essaye de l'être, non, il est mignon, fondamentalement, tant dans son propos que son habillage, et il ne prétend absolument pas être autre chose que ça. Il tire gentiment sur sur toutes les ficelles de mes souvenirs d'enfant et de mes rêveries d'adulte, sans jamais chercher à en faire trop, juste à laisser (ré)entrer son spectateur dans cet univers merveilleux, chaudement emmitouflé dans la sagesse simple des livres de Milne et des vieux dessins animés de Disney. Le rôle de Jean-Christophe n'en a jamais été aussi clair, et regagner la confiance de ceux dont il fut le gardien lui offre, naturellement, la possibilité de l'être également à nouveau (s'il le fut jamais, exilé qu'il fut par la Guerre) dans le vrai monde. Bienveillant et bienheureux, ce film est, et je suis ravi de le dire, exactement ce que je voulais qu'il soit. Et il fait toujours mouche au deux ou troisième visionnage... - Oh, et quitte à parler d'oursons, une mention en retard pour Paddington. J'ai vu ça une nuit, un peu par hasard, et c'était tellement joli, cotonneux, fantastiquement narré, merveilleusement casté et superbement filmé qu'il a fallu que je regarde le second (qui est encore meilleur) à la suite. Voyez-les. Sérieusement. C'est du bonbon sur pellicule.
Papillon (15 août)
J'n'ai qu'un vieux souvenir du film de 1973, un vieux souvenir par ailleurs cannibalisé par le passage de Van Damme en prison cheloue dans Double Team (oui... Je sais...). Cette version 2018, emmenée par Percy Fawcett et Freddie Mercury (it's true, look it up), est étonnante à bien des égards, très sèche et sans chichis, mais avec une colorimétrie de dingue (c'est limite si l'image ne sue pas elle-même) et quelques scènes complètements hallucinées, notamment lors de cette période en confinement de Papillon où Degas vient jouer les mimes tristes dans un Paris fantasmé (à ce titre, l'ouverture m'a filé une vache de vibe The Saboteur, et c'est une image -certes toute aussi irréaliste- que j'apprécie tout spécialement). C'est improbablement esthétique et, sans non plus révéler quoi que ce soit de percutant dans les thèmes qu'il aborde (même sans avoir de comparaison à faire avec son "original", on a là une biographie toute simple et linéaire), le Papillon nouveau a un duo de protagonistes particulièrement charismatique (il faut dire que Malek et Hunnam sont deux monolithes taiseux parfaits pour ce type de rôles) et ses images me sont facilement restées en tête. Et ce d'autant plus que, entre descente aux enfers et éternelle quête de liberté, l'histoire d'Henri "Papillon" Charrière a, de par son ampleur absurde, quelque chose qui me rappelle là encore tellement d'histoires auxquelles on ne croirait pas si elles n'étaient pas... vraies ? Le cas de celle-ci reste éminemment débattu, et si je me moque éperdument de la réponse, ayant fouillé un peu l'histoire du livre il y a un temps, la dernière réplique de cette nouvelle adaptation m'a collé un ample sourire sur le visage.
The Sisters Brothers (19 septembre)
Jacques Audiard a un nom que je connais (merci papa) mais une filmographie que j'n'ai jamais vue (De battre mon coeur s'est arrêté ou Un Prophète, c'est quand même zéro mon délire), alors quand j'ai lu un soir qu'il adaptait, en anglais et dans les iconiques plaines d'Almeira, le très intrigant roman de Patrick Dewitt, j'étais très intrigué moi-même. Les Frères Sisters, édité en VF chez Actes Sud (merci Monty), est un western paru en 2011 ; un western tragi-comique très sombre au ton volontairement picaresque, un peu comme la version américaine, armée et acide (et fatalement très modernisée) d'un de ces contes caustiques qui moquaient la littérature médiévale française il y a trois siècles de ça (il me fait très sincèrement penser à un Zadig oregonais). Sa version cinéma, c'est la même chose, une course-poursuite semblant composée d'une série de saynettes pas toujours fort bien liées (effet renforcé par les villes-champignon visitées le long de la route de l'or), aux accents fantastiques sensiblement marqués (sans pourtant jamais virer dans le pur surnaturel, c'est plutôt un "sentiment" diffus qui plane sur le film), ni mélancolique ni introspectif, juste complètement dédié à raconter, de la manière la plus directe possible, l'histoire un peu ahurissante de deux frangins un peu cons (mais pas stupides, pas confondre) dont le seul mérite semble d'être salement doués aux flingues. Ce qui est habile dans la réalisation, c'est que la description que j'en fais ici pourrait donner l'impression d'un film un peu lourdaud qui passe plus de temps à essayer d'être drôle qu'à avancer quoi que ce soit. Sauf que justement, The Sisters Brothers n'est jamais drôle, on n'est pas dans une cochonnerie comme Slow West, et son humour se fait sur plusieurs niveaux de lecture, jamais appuyé, très pince-sans-rire, sans jamais rompre le ton général du film et comptant plus sur le contraste de caractère (et la bonhommie naturelle) de ses deux acteurs principaux. C'est, de loin, sa plus grande qualité, et, avec de sublimes décors et paysages, des personnages hauts en couleurs, quelques dialogues franchement excellents, des fusillades bien senties et une intrigue idéalement simple, sans parodier ni imiter, Jacques Audiard de livrer un authentique... western. J'aime bien les westerns.
A Star is Born (3 octobre)
Troisième remake d'un film de 1937 dont j'n'avais jamais entendu parler, A Star is Born me fait penser au Crazy Heart de Scott Cooper (encore lui, et, oui, après Hostiles, c'est un hasard complet) si le personnage de Maggie Gyllenhaal avait été une chanteuse. Et j'ai pas de meilleur compliment. Ce film est ce qu'on qualifie d'ordinaire de "montagnes russes émotionnelles", avec deux acteurs parfaitement castés (et dont l'association vient d'un défi) pour porter ce qu'on sait à l'avance être des montagnes russes émotionnelles. D'une manière purement académique, je pourrais dire que le ton est toujours juste, que les dialogues sonnent exactement comme il faut, que les second-rôles sont impeccablement distribués, mais on s'en fout complètement. A Star is Born est le genre de film qui se ressent, et qu'on oublie sciemment et contentement d'analyser (notamment parce que si on le fait, le classicisme absolu de sa mise en scène saute quand même vite aux yeux). Ce film ne révolutionnera pas le cinéma, loin de là, mais il est beau, une scène sur deux a le potentiel de mettre les larmes aux yeux pour plein de raisons différentes (l'écriture/interprétation impromptue de Shallow sur un parking est probablement la meilleure du film), et la bande-son... Grands Dieux la bande-son... Si vous ne voulez pas voir le film, écoutez au moins le cédé, superbement monté, entre hard-blues et pop hantée, aux paroles puissantes et à la charge affective exacerbée, qui rend même parfois l'écoute assez difficile - c'est un peu comme écouter le Best-of de Fleetwood Mac en connaissant l'histoire derrière les chansons. Là non plus, j'ai pas de meilleur compliment... Bradley Cooper savait exactement ce qu'il faisait avec ce film. Il a réussi.
The Girl in the Spider's Web (31 octobre)
Que voila une sortie étrange. Sept ans après David Fincher, la reprise de la saga Millenium made in USA par une toute nouvelle équipe..... au quatrième tome (qui a été écrit dix ans après, par un autre auteur). Où sont passés les histoires 2 et 3 ? OSEF ! (J'ai dans l'idée que, plutôt que de se confronter encore une fois au spectre des originaux suédois -et de faire une suite au Fincher sans Fincher-, les producteurs ont cette fois eu la bonne idée d'adapter un roman auquel on n'avait pas encore touché) et à vrai dire, ça ne pose aucunement problème, le scénario du bouquin en question reprenant suffisamment de morceaux de l'histoire "globale" des personnages pour être facile à suivre ; on comprend bien qu'ils ont une histoire antérieure commune, mais les noeuds importants sont ceux qui sont montrés ici. La réalisation de Fede Alvarez joue aussi sur la parenté qu'on attend d'une suite, même tardive, usant d'angles de caméra à la Fincher à quelques moments clés (toutes les apparitions de l'araignée, notamment) mais laissant aller son propre côté esthétique le reste du temps (oh, et ça n'a rien à voir, mais le poster est ultra classe). On est dans quelque chose de plus simple, moins froid et clinique, mais aussi un peu plus frontalement (oserais-je dire naïvement?) dramatique (et pour moité moins cher, aussi, ça joue forcément). Et curieusement, la disparité et la différence de ton par rapport à Fincher devient une réelle force, d'autant que l'histoire permet de livrer une bournerie féminine de fort bonne facture, dont le seul défaut viendrait en vérité du matériau de base, qui est à bout de souffle depuis des années (honnêtement, les livres de David Lagercrantz se lisent comme de l'exploitation à la base -un peu comme, justement, les Jason Bourne d'Eric van Lustbader-, et leurs thèmes edgy et grimdark sont fanés depuis environ Underworld 2). Reste un film efficace et élégant, qui présente enfin Lisbeth comme l'héroïne de sa propre histoire, et s'avère suffisamment bien filmé pour aiguiser la curiosité... Et s'interroger sur ce qui aurait pu être... Ce qui aurait pu être si c'était vraiment une adaptation du tome 2, par exemple, et ce qu'aurait pu faire une troisième équipe, avec un troisième cast, sur le dernier volet. Bon, bien sûr, c'est stérile comme questionnement (d'autant que si suite à celui-là il y a, ce sera assurément une adaptation du tome 5, et avec encore moins de budget vu la gamelle monumentale qu'il s'est mangé au Box Office), mais ça aurait fait une trilogie très intrigante.
Mentions
J'ai bien aimé Mute - la première demi-heure (au moins) est pénible mais une fois que les pièces du puzzle commencent enfin à s'emboîter, y a un truc qui s'empare soudain du film. Den of Thieves, heist movie burné au rythme haletant, malheureusement niqué par un twist final complètement random. Anon, polar cyberpunk par monsieur Gattaca, intrigant mais un peu beaucoup trop clinique pour son bien (then again, monsieur Gattaca, hein). The Old Man and the Gun, inoffensive lettre d'amour à Robert Redford le gentil bad guy. Et j'ai essayé la nouvelle She-Ra, aussi, et ça a l'air cool, vraiment, les qualités du truc sont indéniables, ça se voit, mais juste... Ca clique pas sur moi ; j'suis pas la cible.
Quant à Bohemian Rhapsody... Le problème avec un film sur Queen, et Freddie Mercury en particulier, et un qui finit sur le Live Aid entre tous, c'est qu'en sortant, on se sera pris vingt des meilleures minutes de concert jamais enregistrées dans l'histoire de la musique, magnifiquement réimaginées, on aura les yeux tout mouillés par ce We are the Champions climacique, et on oubliera tous les petits trucs qui nous on fait tiquer le long du film. Le montage un peu fade, le manque de feu dès que la musique est absente, les évidentes ingérences de studio (et du trio survivant) sur ce qu'on peut dire ou pas sur Freddie, sa vie, le groupe et toutes les choses au milieu, l'impression d'être devant le schéma ultraclassique du biopic avec la montée, la chute et la rédemption... Et vous savez quoi ? Tant mieux. Je ne reverrai pas Bohemian Rhapsody, c'était pas un bon film, mais l'hommage... L'hommage me fout encore des frissons rien qu'en y repensant.
lundi 4 février 2019
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